La machine ‘santé’ au Maroc est cassée. Voulez-vous la réparer ?

Notre système de santé est cassé. Le Maroc souffre d’une pénurie de ressources humaines et d’un manque d’investissements, aboutissant à des soins de mauvaise qualité et à un accès limité et inégal. Afin d’améliorer notre système, le Maroc a besoin d’outils d’évaluation des politiques publiques. Il est urgent de créer un Grand Observatoire de la Santé qui aura pour rôle de surveiller les projets lancés, tenir nos hommes politiques comptables et proposer des solutions innovantes. Ce site (observatoiredumaroc.wordpress.com) a pour objectif de référencer toutes les promesses et projets ministériels et d’en suivre la réalisation. Des propositions, basées sur des expériences internationales, seront également régulièrement avancées.

La machine ‘santé’ au Maroc est cassée. Voulez-vous la réparer ?

Tout système de santé, quelque-soit le pays, est constitué de cinq pièces principales :

  1. Ressources Humaines et Matérielles: Disponibilité de ressources humaines (médicales et paramédicales) qualifiées ainsi que des équipements requis pour une provision de soins de qualité
  2. Gouvernance: Existence d’une forte culture de la productivité et de la responsabilité ainsi qu’un contrôle continu de la performance
  3. Finance: Sanctuarisation de sources de financement suffisantes afin de garantir un accès aux soins à l’ensemble de la population et gestion efficace de ces ressources
  4. Technologie: Développement de dossiers médicaux électroniques et utilisation de la télésanté
  5. Prestation de Soins: Organisation optimale et provision de soins médicaux de qualité respectant les standards internationaux

Un système qui fonctionne est un système qui fournit et garantit à l’ensemble de la population un accès à des soins de qualité. Pour cela, il est impératif que chacune de ces cinq pièces soit opérationnelle. Ce n’est pas le cas aujourd’hui au Maroc. Aucune de ces pièces ne fonctionne correctement, résultant dans l’une des organisations les moins performantes et les plus inégalitaires dans le monde – même en comparaison aux pays dits en développement.

État des lieux: une situation critique, alarmante à tous les niveaux

  • Ressources humaines et matérielles :

Avec 6 médecins pour 10 000 habitants, le Maroc possède 2 fois moins de médecins que ses voisins tunisiens, algériens ou mauritaniens. Une moyenne déjà critique qui tombe à moins de 3 dans certaines provinces, alors que l’OMS en préconise 28. En termes de ressources paramédicales (infirmières, techniciens…), le constat est tout aussi alarmant. Enfin, en ce qui concerne les équipements médicaux, le Maroc souffre d’une pénurie grave, avec de très fortes disparités régionales. Jusqu’à très récemment, l’unique scanner du CHU d’Agadir était en panne. Dire que cette pièce essentielle du système de la santé est cassée serait trompeur. Elle n’a tout simplement jamais fonctionné.

  • Gouvernance :

‘Nous allons former 3,300 médecins par an d’ici à 2020 afin de faire passer le nombre de médecins de ~5 à 10 pour 10 000 habitants à l’horizon 2020’

Driss Jettou, Premier Ministre, 2007/ Houcine El Ouardy, Ministre de la Santé, 2012

Une bonne gouvernance suppose que des objectifs clairs aient été fixés, que les projets nécessaires pour les atteindre aient été lancés et suivis avec des responsabilités individuelles clairement définies. Sans cela et sans la communication régulière sur l’état d’avancement de ces projets, il est impossible à la société civile d’être consciente de ces manquements et donc de les sanctionner. Il est à noter qu’entre 2007 et 2016, le nombre de médecins par habitant est resté sensiblement constant entre 5/6 pour 10 000 habitants.

Que deux ministres, à cinq ans d’intervalle puissent lancer le même objectif, sans présenter les moyens de les atteindre et engager leur responsabilité est une preuve flagrante de ce manque de gouvernance.

En dehors du fait que l’objectif de 10 médecins pour 10 000 habitants est insuffisant, il est à noter qu’en 2016 (à mi-parcours de l’objectif de 2020), le nombre de médecins est de ~6 pour 10 000 habitants. Pour atteindre l’objectif de 2020, il faudrait doubler le nombre de médecins actuels en formant près de 5 000 médecins annuellement.

  • Finance :

L’accès au financement est un facteur discriminant en matière d’accès aux soins. Il y a trois sources de financement possibles : secteur public (investissements étatiques), secteur privé (via les cotisations des entreprises) et les dépenses des ménages.


En 2016, le Budget du Ministère de la Santé était de 14 MMDH pour des dépenses budgétaires totales de 388 MMDH, soit moins de 4%. Ce budget est parmi les plus bas au monde.

 

Etant donné le faible investissement de l’état, la charge repose sur les frêles épaules des ménages (45 % des dépenses totales de la santé en 2013). Étant donné le prix élevé des soins, une frange importante de la population est exclue du système de santé. Au cours des dernières années, avec l’élargissement de la RAMED, 9 millions de personnes ont obtenu une couverture médicale. Néanmoins, vu le manque de moyens affectés à ce fonds, sa pérennité et l’accès aux soins qu’il est censé garantir est en péril. Enfin, l’efficacité de l’utilisation des investissements publics est difficile à évaluer tant le système et les informations sur ces fonds sont opaques.

  • Technologie :

Le Maroc a besoin d’urgence d’une stratégie et d’investissements dans des technologies de santé et télésanté, vitaux à la résolution (ou tout du moins à l’amélioration) de la problématique des déserts médicaux. Cette pièce essentielle est aujourd’hui inexistante.

Dans les pays développés, chaque patient se voit attribuer un dossier électronique garant de la continuité de son dossier et qui donne à tout médecin la capacité de traiter le patient en toute connaissance de ses antécédents. Plusieurs pays émergents en Afrique et en Amérique du Sud ont adopté des solutions de télésanté (ou télémédecine) pour résoudre le problème de l’accès aux soins dans les zones rurales. Ces initiatives sont encore au Maroc à leurs balbutiements par manque de réflexion stratégique et de culture ou d’encouragement de l’innovation (le cadre légal est par exemple quasi-inexistant).

La télésanté est pourtant l’une des alternatives les plus efficaces pour améliorer l’accès aux soins dans les zones rurales. Cette solution est simple à mettre en place et souffrira de moins de résistance qu’un service obligatoire des médecins dans les zones reculées.

  • Prestation de soins :

La prestation de soins est la pièce la plus importante. Elle constitue le cœur de la machine Santé. De par les différents manquements soulignés plus tôt, les soins ne sont pas disponibles sur l’ensemble du territoire. Ils sont aussi d’une faible qualité dans le secteur public (manque de matériel, de ressources humaines, de formation…) ou privé (conflit d’intérêts des médecins qui ont intérêt à pousser à l’acte médical au détriment du malade). Un contrôle qualité n’est pas nécessaire pour étayer ce constat tant il a été observé par l’ensemble des personnes qui ont eu affaire à notre système de santé.

La situation est d’autant plus urgente que le Maroc va faire face à de nouvelles problématiques dans les années à venir, notamment le vieillissement de la population.

Créons un Grand Observatoire de la Santé et lançons un suivi des projets et promesses ministérielles

Au vu de l’état dramatique de la situation actuelle, nous proposons de remettre de l’huile dans la machine en créant les outils d’une évaluation des politiques publiques. Il s’agit de lancer un Observatoire de la Santé ainsi qu’un site de suivi des promesses et projets ministériels. L’objectif est d’obtenir de la visibilité sur l’action de nos politiques et leur bilan et d’être un moteur et une force de propositions positives.

Ce Grand Observatoire de la Santé inclura des experts de la santé, des citoyens et des associations investis, et désireux de changer le statu-quo. Il aura pour objectif de :

  • Définir les grands objectifs chiffrés de ce secteur
  • Surveiller les pouvoirs publics en les tenant responsables de la réalisation de leurs objectifs et des projets lancés
  • Être une force de propositions innovantes et créer un débat citoyen.

Le site (observatoiredumaroc.wordpress.com) aura pour objectif de :

  • Référencer toutes les promesses et projets ministériels
  • Suivre la réalisation de ces promesses
  • Proposer des solutions innovantes de manière régulière en se fondant sur les expériences menées dans des pays confrontés aux mêmes problématiques

N’hésitez pas à partager et commenter si vous êtes d’accord avec ce constat.

Source: OMS

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